"Grâce à la science participative, c’est-à-dire des particuliers qui nous aident en répertoriant les espèces qui sont chez eux, nous avons trouvé la nouvelle espèce « noir métallique » dans deux jardins en France, tous les deux dans le département des Pyrénées-Atlantiques, dans des communes séparées par une centaine de kilomètres."
Jean-Lou Justine et Leigh Winsor
Publié le 1er février 2022
Une nouvelle espèce de ver plat nous envahit. Elle est de couleur noir métallique et son nom est Humbertium covidum.
La nouvelle espèce en France
"... Il est maintenant bien connu que le département des Pyrénées-Atlantiques est un petit paradis pour les vers plats introduits depuis le monde entier, principalement à cause de son climat doux et toujours un peu humide. Dans les deux cas, il n’y avait que quelques individus de l’espèce noire. Au début de notre étude, nous nous sommes même demandé si ce n’était pas des simples variants de couleur noire d’une espèce plus grande, Bipalium kewense, aussi trouvée dans ces jardins. Mais en voyant de près les spécimens, et en comparant les génomes, pas de doute, l’espèce était différente. Nous avons alors cherché dans la littérature scientifique si l’espèce avait été décrite ailleurs, et surtout en Asie tropicale, qui est le continent d’origine principal de ces vers à tête en forme de marteau. Nous avons bien trouvé quelques mentions d’animaux qui y ressemblent, mais sans plus.
En Italie aussi
Vers la fin de 2019, nous avons été averti qu’une espèce noire proliférait dans un champ en Vénétie. Des centaines de vers noirs, bien actifs tôt le matin, et très mobiles. D’autres signalements ont ensuite été faits de ce ver noir près de Rome. Nous avons comparé le génome mitochondrial d’individus trouvés en France avec celui d’individus trouvés en Italie : ils étaient très peu différents, ce qui montre qu’il s’agit de la même espèce, qui donc était déjà présente dans deux pays en Europe.
Et donc, il fallait décrire l’espèce, c’est-à-dire lui donner un nom latin.
Le nom de la nouvelle espèce
Attribuer un nom à une espèce est une étape clé primordiale et indispensable à toute étude ultérieure. Quand on s’adresse à des espèces potentiellement envahissantes, et qui donc peuvent attirer l’attention du législateur, il est encore plus indispensable de pouvoir les nommer : les lois et décrets utilisent les noms latins, parce que ces noms garantissent qu’on désigne bien la bonne espèce.
Chaque nom latin d’espèce est binomial, avec un nom de genre et un nom d’espèce. Pour le nom de genre, c’est « Humbertium », simplement parce que l’animal a les caractères de ce genre décrit en 2001. Pour le nom de la nouvelle espèce, nous avons choisi « covidum », un nom bien évidemment basé sur « covid ».
Pourquoi ? D’abord parce que nous avons commencé ce travail en 2020, quand nos laboratoires étaient fermés du fait du confinement. Ensuite, au fur et à mesure que la pandémie progressait, nous avons voulu nommer l’espèce en hommage à toutes les victimes. Et finalement, il nous a semblé que « covidum » était un nom approprié pour un organisme capable d’envahir le monde et venant d’Asie, comme la pandémie de Covid-19 elle-même."
Espèces envahissantes
"... Dans le cas d’Humbertium covidum, en analysant l’ADN de leurs proies, nous avons ainsi pu montrer que l’espèce mange des petits escargots, mais elle consomme peut-être aussi d’autres proies.
En quoi cette arrivée de Humbertium covidum est-elle un problème ? Parce que les espèces animales qui vivent sur le sol et dans le sol sont en équilibre avec leur environnement européen depuis longtemps, et que l’arrivée d’un prédateur opportuniste peut changer cet équilibre, et donc altérer la biodiversité de nos sols. Altérer la biodiversité a un coût écologique, et même, un coût économique. Par exemple, on peut calculer que les espèces envahissantes diminuent les productions agricoles. Le coût des espèces exotiques envahissantes en France est énorme, de l’ordre de centaines de millions d’euros par an.
Humbertium covidum est donc un exemple de plus d’espèce exotique introduite, qui à terme menace la biodiversité. Espérons qu’à la différence du virus qui lui a donné son nom, elle n’envahisse pas le monde."
- Hammerhead flatworms (Platyhelminthes, Geoplanidae, Bipaliinae): mitochondrial genomes and description of two new species from France, Italy, and Mayotte - Jean-Lou Justine, Romain Gastineau, Pierre Gros, Delphine Gey, Enrico Ruzzier, Laurent Charles, Leigh Winsor - [PeerJ], 01.02.2022 https://peerj.com/articles/12725/
[Image] Humbertium covidum n. sp. from Billère, France, alive.
The flatworm seems to threaten a snail (unidentified species). Photo by Pierre Gros
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Historique de la découverte :
Tant qu'il n'est pas paru (l'article), je ne peux pas donner le nom (du ver) ; mais, depuis, il a changé de genre et son nom d'espèce a un rapport direct avec un évènement, en cours depuis de longs mois.
https://www.larepubliquedespyrenees.fr/societe/animaux/une-nouvelle-espece-de-ver-et-on-ne-la-trouve-que-dans-les-pyrenees-atlantiques-9390552.php
(Re)lire aussi :
→ 'Plathelminthes' (= Platyhelminthes) in Les colocs du jardin https://www.scoop.it/topic/les-colocs-du-jardin/?&tag=Plathelminthes
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